W2P est l’une des trois sociétés de production à avoir remporté l’appel d’offre du Comité d’organisation des Jeux olympiques pour créer les contenus de la communication audiovisuelle des JO de Paris 2024 sur les réseaux sociaux. L’occasion pour nous de rencontrer son fondateur, Alban Taravello, qui revient sur son parcours et celui de W2P…
Moovee : Pouvez-vous revenir sur votre parcours d’étudiant pour vous présenter et sur ce qui vous a amené à créer la société W2P ?
Alban Taravello : J’ai commencé d’abord par faire une fac de lettres, mais je me suis perdu dans les méandres de l’université ! J’avais une envie créative et une passion pour la photo qui persistait. À l’époque, ma famille n’était pas très enthousiaste à l’idée de me laisser faire une école de photo et préférait que je m’oriente vers le multimédia qui pouvait offrir plus de débouchés professionnels. J’ai donc fait une école à Toulouse, l’ETPA, École supérieure de photographie, et de game design qui faisait le compromis entre les deux. Elle proposait à la fois de la photo et du multimédia. C’était une formation très large qui couvrait tous types de métiers. Nous avions à la fois du web design sur les logiciels Flash et Director, des cours sur Illustrator, After Effects ou même de scenarii.
Mon projet de fin d’études réalisé en groupe était très ambitieux et a très bien fonctionné. Quelqu’un de chez TF1 faisait partie du jury final de notre école et quasiment toute l’équipe a été embauchée par la chaîne par la suite ! J’ai donc commencé par être graphiste pour les cartes météo de TF1.
Parallèlement à cela, je tournais une web-série, DRH, avec mon meilleur ami dans notre cave. C’était l’image, la photo et la vidéo qui vraiment me sensibilisaient. Nous avions publié une bande-annonce sur Dailymotion sans aucune ambition de diffusion, mais un directeur des programmes de TF1 a repéré cette vidéo pour l’émission des créatifs du web, Watcast. Il a vu que je travaillais déjà pour la chaîne et m’a dit de venir dans son bureau avec des épisodes… Il a finalement acheté toute la saison qui comprenait dix épisodes, une centaine d’euros par épisode, ce qui représentait beaucoup pour nous à l’époque.
L’émission était diffusée à deux heures du matin, mais nous avons gagné en visibilité, il y a eu en tout trois saisons de DRH. W2P a été créé à la base pour pouvoir financer la troisième saison, que nous souhaitions alors plus professionnelle.
M. : Quels ont été vos premiers clients ensuite, ceux qui vous ont fait confiance ?
Capgemini chez qui j’étais en stage est devenu notre client à la création de la boîte. Cela fait douze ans que nous travaillons pour le Toulouse Football Club. Le succès de DRH nous a fait gagner en médiatisation également. Un journaliste de France Inter était même venu spécialement à Toulouse pour faire un documentaire audio de 45 minutes sur nous ! Parallèlement, je prenais des galons en tant que réalisateur, j’ai eu un agent à Paris.
J’ai réalisé une première web-série pour Nescafé en confiant la production exécutive à W2P. Ils sont devenus également nos premiers gros clients puisqu’ils nous ont fait confiance par la suite en nous donnant des missions de motion design.
J’étais réalisateur aussi pour une émission sur France Ô, Tendances/Ô. W2P s’est chargé de la production exécutive. Ils se sont rendu compte que j’étais graphiste et m’ont donc aussi missionné sur la direction artistique de l’émission. La chaîne a ensuite commencé à nous confier les habillages de ses autres programmes et au final, c’est 80 % des habillages et génériques des émissions de France Ô qui étaient réalisés par W2P. L’histoire a continué…
M. : Comment définiriez-vous W2P ? Ses principales missions ?
Nous nous définissons avant tout comme des créateurs de contenus. Le marché de l’habillage s’est effondré depuis. Nous sommes une agence de communication et de publicité. Nous produisons à la fois de la publicité digitale et de la publicité pour la télévision. Nous avons développé une vraie expertise sur les formats qui se développent sur les réseaux sociaux. Et dernièrement j’ai créé W2P Stories pour développer un pôle fiction et documentaire. Cela va me permettre d’en revenir plus à ce que j’aime lorsque je faisais DRH…
W2P Production et W2P Digital comprennent actuellement vingt salariés au quotidien. Toute l’équipe est toulousaine ! En France, tout se passe à Paris, nous avons la chance d’être une société de province qui peut obtenir des gros marchés nationaux d’entreprises du CAC 40. Nous avons une antenne à Paris qui nous sert de QG pour enchaîner les productions.
M. : Vous faites également de la production exécutive…
Oui ! C’est un service que W2P propose également pour accueillir des équipes de tournage dans le Sud-Ouest. Nous avons travaillé dernièrement avec les équipes de la série espagnole La Unidad produite par Movistar+ et réalisée par Dani de la Torre et prochainement diffusée sur la Fox. C’est une des plus grosses productions espagnoles en termes d’investissements : dix millions d’euros. Cela représente une saison de six épisodes de 50 minutes. Les équipes sont venues en France pour cinq jours de tournage entre Narbonne et Toulouse. Nous avions en charge le casting sur place, les repérages, les autorisations pour tourner…
Petit à petit, en faisant de la publicité, de la production exécutive, nous nous sommes rendu compte que nous savions le faire. Aller vers la fiction et le documentaire est la suite logique des choses. Il faut arrêter d’avoir peur ! J’avais envie de le tenter, j’aurai des regrets si nous n’essayons pas. Nous disposons déjà de moyens techniques et humains, ce qui n’est pas négligeable dans un plan de financement. Nous nous battons beaucoup pour les histoires que nous racontons. Nous venons de déposer nos deux premiers dossiers auprès du CNC avec W2P Stories pour des documentaires et nous sommes en cours de discussion avec une chaîne pour un projet de fiction…
M. : Votre expérience sur votre web-série DRH centrée sur le management vous a-t-elle servi pour votre positionnement en tant que chef d’entreprise à W2P ? La société représente maintenant vingt salariés et deux millions d’euros de chiffre d’affaires…
Ce projet était conçu à la sortie de nos études. Nous proposions un regard novice sur le monde de l’entreprise. C’était l’époque de nos premiers entretiens d’embauche et nous y racontions tout ce qui avait pu nous choquer… C’était en 2008 dans un contexte de crise économique et sociale qui n’était donc pas très drôle. Il y avait aussi un blog DRH où les gens nous écrivaient pour raconter leurs propres histoires, cela a eu beaucoup d’écho. C’était une critique du management et de ses rouages mais aussi peut-être un peu naïve…
Aujourd’hui, je dois gérer une société et certaines choses sont plus complexes qu’uniquement un point de vue de salarié au départ. En tant que chef d’entreprise, on est tout le temps en train d’apprendre. Il faut se remettre en question en permanence et ne pas beaucoup dormir aussi ! Tout comme il n’existe pas de salarié parfait, il n’y a pas non plus de dirigeant parfait… Nous apprenons tous à communiquer les uns avec les autres.
Avec la période post-Covid, notre rôle est de protéger nos salariés, d’aller vers eux et de les rassurer. Je suis très transparent sur le fonctionnement de la société, des comptes… Nous fonctionnons dans un esprit très familial. Nous nous protégeons beaucoup.
M. : Est-ce que vous pouvez revenir sur votre candidature pour la communication audiovisuelle sur les réseaux sociaux pour les JO de Paris 2024 ? Comment cela s’est-il déroulé ?
Nous avons répondu à un appel d’offres public du Comité d’organisation des Jeux Olympiques. Il y a eu plus d’une centaine de candidatures de sociétés de production. Nous avons postulé en envoyant un dossier sans vraiment y croire en pensant qu’une société toulousaine ne ferait pas le poids face aux grosses agences parisiennes… Nous avons été sélectionnés en finale à Paris pour pitcher. Le Comité a choisi trois sociétés de production complémentaires dont nous faisons partie !
Nos premiers contenus devaient être produits cet été avec le passage de la flamme olympique entre Tokyo et Paris, mais avec le Covid-19, les Jeux de Tokyo ont été décalé à 2021 et donc fatalement, nos contenus aussi… Une liberté créative est attendue. Nous sommes ravis de pouvoir proposer quelque chose autour du sport, de ses valeurs et de ses influenceurs…
M. : Quels conseils pourriez-vous donner à un jeune souhaitant travailler dans l’audiovisuel ? Y a-t-il une politique d’accompagnement de stagiaires ou d’apprentis chez W2P ?
J’interviens dans deux écoles, LISAA (L’Institut supérieur des arts appliqués) et l’ESMA (École supérieure des métiers artistiques). Sur une intervention de trois heures, j’essaie d’axer les choses sur le passage de la théorie à la pratique, d’arriver à donner un aperçu de la réalité du métier. J’amène un dossier avec les briefs du client et je détaille chaque étape d’un projet en livrant quelques anecdotes. J’accentue aussi beaucoup sur le rapport client. Si on est précis et clair avec le client, il le sera aussi. À l’inverse, si on reste flou, il le sera aussi en parallèle et cela va se ressentir dans la relation sur la durée… Ce sont des choses qui peuvent paraître évidentes et anodines mais qui ont en réalité toute leur importance pour construire une relation de confiance.
Au niveau de W2P, nous prenons régulièrement des stagiaires. Nous accueillons, depuis cette rentrée, un apprenti de LISAA sur une année et un stagiaire de l’ESMA en motion design. Nous ne pouvons pas en prendre plus, cela nous prendrait trop de temps. Avant de travailler à TF1, j’ai connu six mois de galère. Nous faisons en sorte qu’un stagiaire ou apprenti ait réalisé un contenu de A à Z en repartant avec un projet qu’il peut montrer et mettre dans son book afin que cela puisse vraiment lui servir à sa sortie sur le marché du travail.
Je sais bien qu’il y a beaucoup de sortants pour peu d’appelés dans notre milieu. Ce n’est pas l’école d’où l’on sort qui importe. Ce qui compte, c’est ce que l’on montre. Moi, c’est grâce à la série DRH tournée dans ma cave que tout mon parcours s’est dessiné… Il faut savoir faire quelques concessions aussi. À l’époque j’ai dû faire beaucoup de sacrifices pour économiser les 400 euros qui me permettraient de tourner DRH. C’était beaucoup pour moi à l’époque. Il faut profiter du temps que l’on a lorsque l’on est étudiant pour faire plus de projets que ce que demande l’école. C’est aussi une question de bonne étoile et de rencontres…
Il faut aussi savoir se présenter, se vendre, faire une bande démo et avoir du contenu pour son showreel. C’est bien d’avoir des échecs au départ pour pouvoir se tester. Le démarrage peut être complexe, donc il faut agir tout le temps. Il faut créer en permanence et se constituer son propre laboratoire…
Article paru pour la première fois dans Moovee #5, p.65/67. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.